Date de publication :
17/07/2023
Rédigé par :
Dr Tiotiu Iuliana-Angelica
Cette revue de la littérature présente le phénotype d’asthme associé à l’obésité avec pour introduction des données épidémiologiques, une description des deux « sous-phénotypes » (ou endotypes) préalablement identifiés dans la littérature et la physiopathologie, ainsi qu’une discussion autour des difficultés diagnostiques, de la prise en charge de comorbidités et des moyens thérapeutiques.
Epidémiologie
Dans l’introduction, les auteurs notent une augmentation lors des dernières années de la prévalence de l’obésité (IMC≥30kg/m2) dans le monde avec les données suivantes pour la France : 15% actuellement vs 7% en 1980. Selon les données publiées, les sujets obèses sont plus à risque de développer un asthme à l’âge adulte (risque relatif entre 1,6 et 3). Ce risque paraît plus important chez la femme que chez l’homme. Certaines études soutiennent que l’obésité contribue à l’augmentation de la sévérité de l’asthme. Par ailleurs, les auteurs surlignent que l’IMC n’est pas le meilleur moyen pour la mesure de l’obésité en pratique et que la mesure de l’index d’adiposité par l’absorptiométrie énergétique serait un meilleur indicateur.
Sous-phénotypes de l’asthme associé à l’obésité
Deux principaux sous-phénotypes sont décrits : un qui correspond à l’asthme de début précoce (pendant l’enfance) qui est aggravé par l’obésité et l’autre de début tardif chez un sujet obèse.
L'asthme de début précoce est caractérisé par : la présence d’un terrain atopique, la prévalence similaire selon le genre, les symptômes persistants, la prédominance de l’inflammation à éosinophiles, l’hyperréactivité bronchique importante et l’obstruction sévère des voies aériennes.
L'asthme de début tardif est lui caractérisé par l’absence d’atopie, une prédominance chez les femmes, des symptômes modestes, une diminution modérée de la fonction respiratoire sans hyperréactivité bronchique importante et associée à une inflammation mixte (éosinophiles et neutrophiles). Ce deuxième phénotype semble répondre moins bien aux corticoïdes.
Physiopathologie
La physiopathologie de l'asthme et de l'obésité est complexe.
On peut regrouper d’abord les facteurs favorisants de l’asthme associé à l’obésité :
- Une prédisposition génétique (ex. PRKCA, LEP, ADRB3, CHI3L1),
- Un mode de vie avec sédentarisme et un régime alimentaire occidental (des nutriments riches en acide gras saturés avec des effets pro-inflammatoires) qui peuvent avoir un impact sur l’épigénétique mais surtout sur le microbiote intestinal avec une diminution significative de la colonisation par Bactéroïdes chez les asthmatiques obèses (bactéries ayant un effet immuno-modulateur protecteur pour l’asthme).
Concernant la physiopathologie elle-même, les deux éléments à retenir sont :
- La mécanique ventilatoire altérée (diminution de la compliance respiratoire et des plusieurs volumes pulmonaires : VEMS, volume résiduel, capacité pulmonaire totale avec une tolérance réduite à l’exercice) entrainant un déconditionnement physique associée à la persistance de l’hyperréactivité bronchique,
- La présence d'une inflammation systémique est observée chez les sujets obèses asthmatiques. Ces derniers ont un moins bon contrôle de l'asthme et un infiltrat inflammatoire accru dans les voies respiratoires par rapport aux patients non obèses.
Diagnostic
Étant donné la multitude des diagnostiques différentiels dans l’asthme chez l’obèse avec le risque de surdiagnostic, les auteurs conseillent la réalisation de tests de provocation d’hyperréactivité bronchique pour la confirmation du diagnostic. Il est à noter que le phénotype asthme tardif de l'adulte obèse est associé à un taux de FeNO bas, limitant l'intérêt de sa mesure. Les comorbidités de l’asthme de type SAOS, RGO semblent plus nombreuses dans ce phénotype, donc il faut les rechercher de manière systématique sans oublier les possibles comorbidités de l’obésité (ex. diabète, HTA, cardiopathie ischémique) qui peuvent aggraver l’asthme.
Prise en charge
La prise en charge comporte :
- Des mesures hygiéno-diététiques avec des régimes hypocaloriques riches en fibres qui permettent un meilleur contrôle de l’asthme, une diminution du nombre d’exacerbations/hospitalisations, une amélioration de la fonction respiratoire et de la qualité de vie ;
- Un ré-entraînement à l’effort (au moins 2x/semaine pendant au moins 3 mois) qui doit s’associer au régime pour un bénéfice supérieur sur le contrôle de l’asthme ;
- Une éducation thérapeutique multidisciplinaire impliquant des nutritionnistes, diététiciens, kinésithérapeutes, pneumologues…
- Des thérapies inhalées (les mêmes que pour l’asthmatique normopondéral) sachant que la réponse aux corticoïdes pourrait être moindre chez l’asthmatique obèse ; une limitation de la consommation des corticoïdes oraux au vu des complications potentielles chez ces patients ;
- Un traitement par biothérapie qui pourrait aider à l’épargne cortisonique (bien qu’il y ait peu de données d’efficacité chez l’asthmatique obèse) ;
- Le recours à la chirurgie bariatrique seulement si les autres moyens s’avèrent inefficaces ;
- Et enfin la prophylaxie des infections respiratoires par la vaccination antigrippale annuelle et anti-pneumococcique.
Acronymes :
IMC : indice de masse corporel
SAOS : syndrome d'apnée obstructive du sommeil
VEMS : volume expiré maximum seconde
Références :
T. Villeneuve, L. Guilleminault Asthme et obésité de l'adulte Revue des Maladies Respiratoires (2020) 37, 60-74
Lecture critique :
Dr A. Tiotiu, Pneumologue, CHRU Nancy