Date de publication :
13/01/2022

Le plus grand flou règne sur le nombre de lits de réanimation ou de soins critiques que comptent la France et sur leur taux d’occupation par des patients atteints de la Covid-19.

Depuis près de deux ans maintenant, le gouvernement et les Français ont les yeux rivés sur le nombre de patients atteints de la Covid-19 admis dans les services de réanimation. De ce nombre et du taux d’occupation de ces services dépendent en effet l’intensité des mesures de restrictions de liberté que subissent les Français depuis le début de la crise et c’est pour éviter la saturation des hôpitaux que la population les accepte, bon gré mal gré. Et pourtant, le plus grand flou règne sur cette question, avec une certaine confusion dans les termes et une absence de chiffre précis.

Tout d’abord, une distinction importante et souvent oubliée se doit d’être faite entre les soins critiques et la réanimation. Les soins critiques comprennent les services de réanimation, mais aussi ceux de soins intensifs et de surveillance continue (USC). La réanimation est réservée aux cas les plus graves des patients admis en soins critiques, puisqu’elle concerne les malades dont le pronostic vital est engagé et qui nécessite une prise en charge 24h/24h en raison de la défaillance d’un ou plusieurs organes. 

4 000 personnes en soins critiques… mais « seulement » 2 700 en réanimation

Au 11 janvier 2022, la France comptait 3 970 personnes hospitalisées en soins critiques. Parmi eux, selon les chiffres de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) relayés par le journal Libération, 2 853 occupent des lits de réanimation. Soit 72 % des patients hospitalisés en soins critiques, un taux comparable aux précédentes vagues. Mais selon Santé Publique France, environ 6 % des patients « Covid-19 » qui occupent des lits de soins critiques ou de réanimation sont en réalité hospitalisés pour une autre raison (covid accessoires). Il n’y a donc « que » 2 682 patients hospitalisés en réanimation principalement en raison d’une contamination par la Covid-19. 

L’autre question est celle du nombre de lits de soins critiques et de réanimation dont dispose la France pour faire face à l’épidémie de Covid-19 et à d’éventuelles nouvelles vagues violentes. Selon les données de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), les hôpitaux français comptaient au 1er janvier 2020 (soit avant le début de l’épidémie) 19 500 lits de soins critiques dont 5 080 lits de réanimation (et 350 lits de réanimation pédiatrique). 

Mais ces chiffres ont fortement varié au cours de la crise sanitaire, l’afflux de patients ayant forcé les médecins à « transformer » des lits de soins intensifs ou de surveillance continue en lits de réanimation. Au pic de la première vague le 15 avril 2020, on comptait ainsi 10 700 lits de réanimation « armés ». Le nombre de lits de réanimation a ensuite retrouvé un chiffre « normal » durant l’été 2020, autour des 5 800 lits de réanimation, avant de remonter à 6 200 fin 2020 puis à 7 900 au pic de la troisième vague le 1er avril 2021. 

40 % des lits de réanimation occupés par des patients Covid-19 (et non 78 %)

Toujours selon la DGOS, la France compte actuellement 6 722 lits de réanimation, soit une augmentation de 32 % par rapport au niveau d’avant la crise. Avec 2 682 patients atteints de Covid en réanimation, on compte donc 40 % des lits de réanimation occupés par des malades atteints de la Covid-19. Bien loin du taux de 78 % présenté par les autorités. Il faut dire que, comme le Journal International de Médecine l’expliquait dans un article du 2 novembre 2020, ce taux d’occupation « officiel » s’obtient en divisant le nombre de patients en soins critiques par le nombre de lits de réanimation disponibles avant la crise sanitaire, soit deux données bien différentes.

L’augmentation des lits de réanimation tout au long de la crise sanitaire a permis d'éviter la saturation des services de réanimation. A l’heure actuelle, les lits de réanimation sont au total occupés à 93 % (40 % par des patients Covid et 53 % par des patients non-Covid), soit à peine plus que le taux moyen d’occupation en 2019, qui était de 88 %.

Le nombre de lits en réanimation peut donc augmenter si nécessaire, mais cela implique de mobiliser du personnel normalement affecté à d’autres services et de transformer des lits. « Il n’y a pas eu d’ouverture de lits, mais un équipement adapté des lits de soins continus qui ont été armés pour pouvoir faire de la réanimation » expliquait en janvier 2021 le professeur Jean-Michel Constantin, alors que le nombre de lits de réanimation avait augmenté de 24 % en 2020. L’augmentation des capacités d’accueil en réanimation se fait donc au détriment des autres services et chaque vague épidémique se traduit par des déprogrammations de soins non-urgents. En juillet 2020, le ministère de la Santé indiquait ainsi pouvoir monter en théorie jusqu’à 12 000 lits de réanimation, tout en reconnaissant que cela nécessiterait de mobiliser 24 000 infirmiers supplémentaires. Intenable en pratique.

Une chose semble sure : la France va devoir augmenter son nombre de lits de réanimation disponibles dans les prochaines années de manière permanente et pas seulement lors des pics épidémiques. Selon un rapport de la Cour des Comptes du 18 mars 2021, seulement 56 lits de réanimation ont ouvert entre 2013 et 2019, soit une augmentation de 0,17 % par an. Dans le même temps, la part des personnes âgées de plus de 60 ans dans la population (qui compte pour 65 % des sujets hospitalisés dans ces services) a augmenté de 1,7 %. Selon un rapport de l’IGAS (Inspection générale des Affaires sociales) de juillet 2021, le vieillissement de la population pourrait rendre nécessaire la création de 1 000 lits de réanimation d’ici 2030. En espérant que d’ici là, l’épidémie de Covid-19 soit terminée.

Quentin Haroche

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