Date de publication :
01/07/2021

Diabète & COVID-19 – vidéo du Dr. Louis Potier

  • Quels sont les facteurs influençant le pronostic des patients DT2

    atteints de COVID-19 ?

    Le docteur Louis POTIER présente son analyse des données françaises de l'étude Coronado1. Coronado est une étude observationnelle française, réalisée sur 2796 patients diabétiques à J28 de leur hospitalisation pour la COVID-19.

    1ère étude

    au monde décrivant de façon
    aussi précise les sujets
    diabètiques hospitalisés pour
    COVID-19 1

    Décès = 1/10

    Après 7 jours d'hospitalisation :
    28,6% des patients sont intubés
    11,2% sont décédés 1

    Morbidités notables

    Le risque de décès est surtout
    marqué chez les patients âgés
    multicompliqués avec un 
    syndrome d'apnée du
    sommeil
     1

    1. Wargny M, et al. Predictors of hospital discharge and mortality in patients with diabetes and COVID-19: updated results from the nationwide CORONADO study. Diabetologia. 2021 Apr;64(4):778-794.

  • Bonjour à toutes et à tous, je m’appelle Louis Potier, je suis diabétologue au centre hospitalier universitaire de Bichat Claude Bernard à Paris, un hôpital de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris.

    Et j’ai la chance aujourd’hui de vous présenter quelques données du dernier papier, en tout cas du plus grand article publié de CORONADO sur la forme sévère de COVID 19 chez les patients diabétiques de type 1 et 2, et quels que soient leurs types de diabète.

    Donc CORONADO je pense que vous connaissez tous, c’est une grande étude menée par le CHU de Nantes et particulièrement par Bertrand Cariou et Samy Hadjadje qui ont commencé modestement au début de la première phase épidémique du COVID 19 et qui avait initialement inclus 68 centres investigateurs, un objectif de recrutement de 300 patients diabétiques hospitalisés pour COVID 19 et qui s’est retrouvé avec des courbes d’inclusion absolument incroyables, et près de 3000 patients inclus dans cette étude donc un véritable succès national pour la diabétologie en France.

    Vous voyez qu’il y a dans l’étude 90% de diabétiques de type 2, principalement avec un âge moyen de 70 ans évidemment, on est dans une population âgée avec une prédominance d’hommes, une ancienneté du diabète qui est relativement élevée, pas mal d’obésité et une HbA1c qui est plutôt correcte, et un nombre de complications micro et macrovasculaires qui est assez important. On y reviendra et vous voyez des centres d’inclusion qui sont répartis sur tout le territoire.

    Ça c’est vraiment la figure du papier qu’on a publié avec Matthieu Wargny dans DIABETOLOGIA récemment sur le suivi à 28 jours après l’admission en hospitalisation de patients diabétiques hospitalisés pour COVID 19. C’est une figure intéressante je trouve parce qu’elle montre que finalement, et c’est peut-être une bonne nouvelle, il y a 50% de gens qui au bout de 28 jours après l’hospitalisation sont rentrés chez eux, donc ça fait quand même un fort pourcentage de gens, enfin la moitié même, qui sont retournés à domicile heureusement. Vous voyez, avec 17% qui sont partis en SSR ou dans une autre structure de soins de suite, donc on est quand même à 67% de gens qui sont encore debout et qui sortent de l’hôpital sur leurs deux pieds après un épisode de COVID nécessitant une hospitalisation. Malheureusement évidemment, un fort taux de décès à 20% ici et puis des gens qui sont après 1 mois d’hospitalisation encore hospitalisés probablement par l’accumulation des comorbidités, mais je trouve cette figure vraiment intéressante puisqu’elle montre que finalement encore une fois 67% des patients sortent de l’hôpital après leur COVID et c’est plutôt une bonne nouvelle.

    Alors qu’est ce qui fait que les patients justement ne sortent pas de l’hôpital ou malheureusement fassent partie des 20 % de décès ? Ce sont les facteurs qui ont été analysés donc il y a plein de facteurs qui ont été recueillis durant l’inclusion des patients dans CORONADO, et on voit que les facteurs de risques associés au décès c’est l’âge évidemment, ça on le connait, j’y reviendrai, et aussi les complications microvasculaires, donc avoir un diabète compliqué au niveau microvasculaire. Et c’est particulièrement vrai au niveau rénal. Le traitement par insuline, ça c’est un grand classique des comorbidités importantes associées à la gravité, quel que soit le type de gravité, mais l’insuline est souvent associée à une plus grande gravité des symptômes. C’est le cas pour le COVID, la dyspnée aussi, les patients très dyspnéiques malheureusement meurent plus. Et puis d’autres marqueurs moins spécifiques du diabète que l’on retrouve dans pas mal d’études que sont l’augmentation des transaminases, l’augmentation des leucocytes, l’augmentation des CRP, tous les facteurs biologiques inflammatoires liés à la gravité de la maladie.

    Et puis on s’est aussi intéressé de l’autre côté, au-delà du décès, qu’est ce qui fait que les gens survivent mieux, sortent de l’hôpital plus tôt. Eh bien on a vu que c’était la METFORMINE, cette vieille dame, cette vieille molécule, qui était associée à des formes moins graves avec des gens qui survivent plus. Donc il y a probablement des biais de sélection de gens qui sont sous METFORMINE pour des raisons particulières, mais en tout cas on voit que la METFORMINE est associée à un meilleur taux de survie.

    Et puis quand la durée des symptômes avant l’admission était plus ancienne, on voit aussi que cela est associé plutôt à une meilleure survie (c’est la ligne ici), c’est à dire que les gens ayant démarré leurs symptômes plusieurs jours avant de venir à l’hôpital, ont un risque plus faible de faire une forme grave, en tout cas une chance de survie qui est plus importante.

    Et puis quand on regarde cette fois les données un peu plus tôt à J7 donc dans les 7 premiers jours de l’hospitalisation, on se demande (et c’est une grande question, qui fait la spécificité du diabète), est-ce que l’équilibre glycémique influence la survie et donc le décès, ou les intubations, ou les décès seuls (sur la droite de l’écran).

    Et quand on regarde l’HbA1c, donc l’équilibre glycémique des 3 mois passés, l’équilibre glycémique chronique si on peut dire, l’HbA1c influence très peu la survie. Vous voyez plus l’HbA1c augmente, eh bien vous n’avez pas de modification du risque de faire un décès ou d’être intubé, et pas beaucoup plus de risques en tout cas non significatifs de décéder aussi.

    En revanche ce qui importe c’est la glycémie à l’admission. La glycémie à l’admission plus elle s’élève, plus vous voyez augmenter le risque d’intubation ou de décès.

    Et ça a été retrouvé dans d’autres études, par exemple c’est une des premières études qui est parue en 2020, dans Cell Metabolism, une étude chinoise, qui montrait que les patients avec des glycémies mal contrôlées durant leur hospitalisation pour COVID, avaient un risque de décès qui était plus important. Vous voyez ici la relation entre le taux de glycémie moyen et le décès après admission, et vous voyez les corrélations avec d’autres marqueurs qui sont un peu similaires, d’autres marqueurs pro-inflammatoires.

    Donc ce qui est sûr, c’est que la glycémie à l’entrée et durant l’hospitalisation est corrélée à un plus mauvais pronostic : est-ce que c’est une cause ou une conséquence, c’est toujours un peu difficile de savoir.

    Vous savez que la glycémie est aussi un marqueur de stress, et que le fait d’avoir une glycémie élevée témoigne d’un stress qui n’est pas le même. Et ce n’est pas forcément l’hyperglycémie en soit qui est la conséquence du mauvais pronostic. Le mauvais pronostic ou la plus grande gravité de la maladie peut faire monter la glycémie. Il faut donc faire attention aux associations, car association n’est pas causalité.

    Dans CORONADO, qu’a-t-on remarqué d’autre ? Puisque cette étude a aussi permis d’analyser plein d’autres questions qu’on pouvait se poser dans la communauté diabétologique sur la prise en charge du diabète. Vous voyez que le diabète de type 1 est un peu moins associé à la mortalité, c’est probablement du fait de l’âge plus faible des diabétiques de type 1. On sait aussi que l’obésité est associée à un risque plus grand, que la METFORMINE est associée à une réduction de la mortalité, que les inhibiteurs DPP4 sont plutôt neutres, que les statines sont associées à une augmentation de la mortalité, qu’il y a une différence un peu liée au sexe et puis que les complications micro vasculaires sont surtout liées à la néphropathie, aux antécédents de plaie du pied.
    Le manuscrit n’est pas encore publié.

    Et puis, ce qu’on sait peu, évidemment, la plus grande question c’est : est-ce que le diabète en soit induit un risque plus grand ?
    Je vais passer très vite parce que ce sont des données non publiées sur le CORONADO contrôle. On a inclus des sujets contrôle à posteriori pour voir si effectivement le diabète était associé à un risque plus important de décès, et ce que l’on voit c’est qu’effectivement dans cet essai, dans ce contrôle diabète CORONADO versus des contrôles que l’on a été chercher à postériori, il y a un sur-risque de mortalité, décès, et intubation oro-trachéale.
    Donc oui, le diabète semble associé à un plus grand risque.

    On a également étudié ce point (pas une étude CORONADO), c’est une étude qu’on a fait avec Marc Diedisheim récemment dans les données de l’entrepôt de données de santé, qui rassemble toutes les données cliniques des patients hospitalisés de l’APHP et spécifiquement ici pour le COVID 19, donc 39 hôpitaux à l’APHP et beaucoup de patients. Ce que l’on a vu, c’est que chez les patients diabétiques (plus de 2000 patients versus les patients non diabétiques), le diabète était effectivement associé à un plus grand risque de mortalité.

    Mais ce que l’on montre aussi, c’est que c’est particulièrement vrai chez les patients les plus jeunes.
    C’est à dire que plus on augmente dans l’âge, plus la différence entre les non-diabétiques et les diabétiques s’amenuise. C’est à dire que quand vous avez 80 ans, que vous soyez diabétique ou pas diabétique, le risque n’est finalement pas si grand et que l’âge a tendance à tout écraser.

    Alors que quand vous avez moins de 50 ans, être diabétique ça compte, et qu’être diabétique c’est une vraie comorbidité avec un risque associé aux formes sévères, aux intubations ou au décès.

    Donc le diabète n’a pas le même poids en fonction de l’âge. Le diabète est associé à plus de risques mais c’est particulièrement vrai chez les sujets les plus jeunes, c’est ce que l’on montre dans cette étude qui a été publiée très récemment.

    Je vais donc conclure là, et ce que l’on peut dire c’est que le diabète est clairement associé à un sur-risque de forme sévère et de décès en population générale. C’est ce qui a été montré dans CORONADO et dans les données de l’Assistance Publique. Il y a des facteurs qui permettent de prédire le risque de forme sévère : l’âge et les complications microangiopathiques, l’obésité aussi et puis le diabète en soi représente un sur-risque surtout chez les plus jeunes, et qu’à 75 ans l’âge en soi écrase un peu tout le risque. 

    Dans les autres facteurs permettant de prédire le risque de forme sévère, on peut dire que l’HbA1c non, et la glycémie à l’admission oui, mais sans causalité évidente. Et puis on est toujours dans des données observationnelles, qui sont pour l’instant limitées à la première vague. 
    Il faut donc se poser les questions de l’influence des variants, des évolutions des modalités de prise en charge sur la mortalité avec les nouveaux traitements, de l’impact d’une meilleure connaissance de la pathologie et puis évidemment quelle sera l’influence des campagnes de vaccination notamment chez les diabétiques.

    Je vous remercie de votre attention. 

7000034281 - 06/2021