Date de publication :
06/01/2022
L’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) préconise dans son dernier rapport de simplifier et promouvoir l’activité d’infirmier en pratique avancée (IPA), au grand dam de certains médecins.
La possibilité d’opérer des transferts de compétences des médecins vers les professions paramédicales est un sujet de controverses sans fin, tant les premiers sont souvent très rétifs à ces délégations de pouvoirs. Ce type de dispositif est pourtant plébiscité par les autorités, qui y voient un moyen d’améliorer l’accès aux soins, dans un contexte de pénurie de médecins. Lorsque le ministère de la Santé a, en mai dernier, chargé l’IGAS de plancher sur la question, les fonctionnaires membres de cette institution savaient qu’ils avançaient en terrain miné.
Ouvrir la primo-prescription aux IPA
Sans grande surprise, le rapport de l’IGAS issu de cette mission publié ce mercredi et intitulé « Trajectoires pour de nouveaux partages de compétences entre professionnels de santé » se montre favorable à l’accentuation à l’avenir de ces transferts de compétences. Si les auteurs du rapport se montrent peu enthousiastes à propos des protocoles de coopération, qui permettent des transferts de compétence au cas par cas mais qu’ils jugent trop complexes et trop peu utilisées, ils souhaitent en revanche promouvoir la pratique avancée.
Ouverte par la loi en 2018 à tous les auxiliaires médicaux, la pratique avancée ne concerne pour le moment que les infirmiers (IPA). Jugeant que ce dispositif est à la fois prometteur et trop peu exploité, le rapport préconise plusieurs mesures pour promouvoir et simplifier l’activité des IPA. Les auteurs de la mission souhaitent notamment leur ouvrir dès que possible la primo-prescription de certains médicaments et pratiques médicales et permettre l’accès direct aux IPA en population générale dans les zones sous-dotées en médecins (ce qui doit faire d’ailleurs l’objet d’expérimentations dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale). Ils préconisent également d’augmenter leur rémunération et de les indemniser lors de leur formation universitaire.
« Convertir » les IADE en IPA, une question qui fâche
Signe que les médecins et infirmiers sont à fleur de peau sur la question, c’est ce qui semble être en apparence un point de détail du rapport qui a provoqué les premières réactions d’hostilité. L’IGAS préconise de créer une sous-catégorie d’IPA appelée IPA spécialisée et d’y intégrer les infirmiers anesthésistes diplômés d’Etat (IADE). Le rapport estime en effet qu’un IADE, de par son autonomie et son expérience, exerce dans les faits le rôle d’un IPA, sans bénéficier du statut lié à cette fonction. Cette « conversion » des IADE en IPA entrainerait des modifications juridiques : les IADE seraient désormais co-responsables avec le médecin en cas d’erreur médicale et devront suivre une formation universitaire.
Cette modification du statut des IADE a provoqué une réaction immédiate du Conseil National Professionnel d’Anesthésie-Réanimation (CNPAMPO).
Dans une lettre ouverte au ministère de la Santé, le collège de médecins dénonce l’assimilation des IADE aux IPA qui n’est selon lui pas pertinente.
Selon les auteurs de la lettre, la relation entre les médecins réanimateurs et les IADE ne peut s’inscrire que dans une relation de « délégation » (comprenez de subordination) et non d’autonomie comme c’est le cas pour les IPA et ce au nom de la sécurité du patient. Plus que le fond, les médecins dénoncent la forme du rapport, qui semble dénoter un certain parti pris, les fonctionnaires de l’IGAS n’hésitant en effet pas à dénoncer le « corporatisme » des médecins.
L’assimilation des IADE aux IPA a en revanche été bien accueillie par les premiers intéressés. Dans son communiqué en réaction à la publication du rapport, le Syndicat National des Infirmiers Anesthésistes (SNIA) voit dans ce changement statutaire « un renforcement de l’engagement des IADE au profit des patients ». Il craint cependant que cette « conversion » n’entraîne la disparition de l’identité professionnelle des IADE ainsi que des pertes de compétences à la marge, notamment concernant la médecine d’urgence et la prise en charge de la douleur.
L’IGAS n’a donc pas réussi à faire que des heureux avec ses nouvelles propositions, preuve s’il en fallait une que les questions de transferts de compétence et de statut juridique des uns et des autres sont hautement sensibles.
Quentin Haroche
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