Date de publication :
12/10/2021

Interview du Pr Serge Perrot

  • 1. Douleur chronique, quel bilan en France ?

    En 2008, selon l’enquête Handicap-Santé, 30 % des personnes interrogées de 16 ans ou plus, vivant au domicile, déclaraient des douleurs chroniques physiques d’une intensité « modérée grande ou très grande » (1).

    Toujours en 2008, une étude nationale sur 2 896 patients avec douleur chronique montrait que les ¾ d’entre eux étaient en âge de travailler (74,2 %, n=2148) (1). Parmi les douleurs chroniques, les douleurs ostéoarticulaires et rachidiennes sont les plus fréquentes (1).

    La douleur chronique a des retentissements majeurs sur le plan social et émotionnel. Ainsi, deux patients sur trois se sentent anxieux ou déprimés du fait d’une douleur chronique (2).

    2. Quelle est la prévalence de l’arthrose en France ? Est-ce une pathologie liée à l’âge ? Quelle est la proportion des jeunes ?

    L’arthrose touche plus de 10 millions de Français dont 6 à 7 millions sont symptomatiques (3).

    Avec 5 millions d’arrêts de travail en dix ans, c’est la première cause d’invalidité des plus de 40 ans et la deuxième cause de consultation chez le généraliste (3).

    L’arthrose peut se voir à tous les âges et 35 % des patients ressentent des douleurs d’arthrose avant l’âge de 40 ans (3).

    Elle est de façon générale d’origine post-traumatique avant 45 ans, métabolique (obésité) entre 45 et 65 ans, liée au vieillissement après 65 ans (3). 

    3. La douleur arthrosique est-elle plus sévère chez la femme que chez l’homme ? Est-elle plus sévère en fonction de l’âge ?

    L’arthrose est significativement plus fréquente chez la femme que chez l’homme dans la population française avec un sex-ratio de 2 femmes pour un homme (3).

    Les résultats d’une enquête menée par le CRÉDOC (Centre de Recherche pour l'Étude et l'Observation des Conditions de Vie) confirment également que ce sont bien les femmes, les personnes obèses ainsi que les catégories populaires qui souffrent d’une intensité de la douleur plus forte comparée aux hommes. (4).

    Néanmoins, l’enquête de grande ampleur stop-arthrose (n=2914) a clairement fait apparaître que la douleur est de loin la première difficulté pour l’ensemble des personnes atteintes d’arthrose (90% des répondants) (3).

    Selon cette même enquête, l’âge semble peu lié à la symptomatologie douloureuse puisque, près de la moitié des répondants douloureux (47,8 %) était âgée de moins de 60 ans et 40 % d’entre eux étaient en activité professionnelle au moment de l’enquête (3).

    4. Est-ce que la douleur arthrosique est permanente ?

    Pour 33,6 % des patients, la douleur arthrosique est permanente. Pour 64,7% , la douleur est variable selon les jours et l’activité physique. Pour 32,6% des patients, elle apparaît de manière imprévisible (3). 

    5. Quels sont les principaux types de douleur arthrosique ?

    Lorsque l’arthrose se manifeste, elle entraîne classiquement des douleurs mécaniques, qui vont progressivement être associées à une difficulté pour bouger l’articulation touchée, une raideur. La douleur est parfois vive au début, puis elle va s’atténuer ou disparaître dans le temps. Dans des formes plus évoluées, la douleur est plus constante (5).
    Lors des poussées congestives d’arthrose, la douleur est souvent plus importante et associée à un gonflement de l’articulation (5).

    6. Errance diagnostique, quelle implication et quel rôle pour le pharmacien d’officine ?

    L’officine, par le maillage pharmaceutique homogène, les amplitudes horaires larges, et l’accès facile sans rendez-vous, constitue souvent la porte d’entrée sur le système de soins. Le symptôme douloureux est souvent évoqué par les personnes qui y entrent et 80 % du conseil officinal concerne la « douleur », dans toutes ses expressions (1) !
    Avec le dossier pharmaceutique (DP), le pharmacien dispose d’une vision complète sur l’ensemble des thérapeutiques délivrées au patient, avec ou sans ordonnance. Cela facilite la détection d’abus d’antalgiques ou de consultations multiples et par-conséquent le dépistage de l’errance diagnostique du patient arthrosique permettant de l’orienter vers une prise en charge optimale. 
    Actuellement, le temps médian de diagnostic après l’apparition des premières douleurs d’arthrose est de 2 ans. Une durée beaucoup trop longue pour une pathologie dont le traitement vise à ralentir l’évolution (3).

    7. Quel est l’impact de l’arthrose sur la qualité de vie ?

    L’arthrose impacte fortement le quotidien des patients du fait de la douleur. 
    Pour 90 % des patients, elle constitue la première difficulté (3). 

    Elle affecte également la vie sociale (51 %), la vie familiale (59 %), la vie de couple et la vie sexuelle (25,4 % et 28,5 % respectivement) (3).

    Les patients souffrent de ne pas pouvoir réaliser certains gestes du quotidien (marcher, porter des objets, ou s’habiller) ou certaines activités de loisir. 64 % évoquent une altération de l’image de soi et 80 % un impact sur leur moral (3).

    Enfin, chez les patients encore en activité, dont le nombre est loin d’être négligeable, 7 personnes sur 10 citent l’impact de l’arthrose sur leur vie professionnelle (3).

    8. Quelle est la place des mesures médicales ?

    La prise en charge thérapeutique est personnalisée. Elle dépend de nombreuses caractéristiques, telles que l’âge du patient, sa pratique régulière ou non d’une activité physique, l’intensité de la douleur et du handicap, la présence de signes inflammatoires (épanchements) et le degré d’atteinte structurale. Elle dépend aussi des facteurs de risque d’aggravation (obésité, contraintes mécaniques…). 
    En cas de douleur, le traitement repose sur des antalgiques de première intention puis, en cas d’inefficacité, des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Des traitements locaux peuvent aussi être utilisés (AINS topiques, injections intra-articulaires d’acide hyaluroniques et de corticoïdes) (6).

    9. Quand faut-il envisager une orientation vers le spécialiste et des mesures chirurgicales dans la prise en charge de la douleur arthrosique ?

    L’intérêt d’une chirurgie sera discuté en cas de douleur persistante malgré une prise en charge thérapeutique adaptée ou de lésions anatomiques évoluées (7). 

    10. Au-delà de l’approche médicamenteuse, quelles sont les mesures de prise en charge non-pharmacologiques ?

    La société Française d’Étude et de Traitement de la Douleur (SFETD) définit la médecine de la douleur comme une médecine conventionnelle holistique et intégrative. C’est-à-dire qu’elle intègre, à la pratique médicale conventionnelle, des approches qui font partie des thérapies complémentaires. 

    En France, les approches psychocorporelles (hypnose, sophrologie, relaxation, méditation), certaines thérapies énergétiques (toucher massage, yoga, tai chi) ainsi que l’acupuncture et l’auriculothérapie sont les plus proposées. Les patients qui en bénéficient plébiscitent ces approches et sont de plus en plus nombreux à en faire la demande au cours de leur prise en charge (1).

    La musicothérapie réceptive et notamment la détente psychomusicale, a également une efficacité démontrée par des études contrôlées dans de nombreuses pathologies douloureuses. La musicothérapie représente un traitement non pharmacologique qui s’intègre aisément dans un programme pluridisciplinaire de prise en charge de la douleur (8).

    Références bibliographiques :

    (1) Société Française d’Étude et de Traitement de la Douleur (SFETD). Livre blanc de la douleur 2017. État des lieux et propositions pour un système de santé éthique, moderne et citoyen. [en ligne]. [Consulté le 17/08/2021].
    Disponible à l’adresse : https://www.sfetd-douleur.org/wp-content/uploads/2019/09/livre_blanc-2017-10-24.pdf

    (2) Société Française d’Étude et de Traitement de la Douleur (SFETD). Livre blanc. Structures douleur en France. Prise en charge de la Douleur Chronique en France en 2014-2015
    Disponible à l’adresse : https://www.sfetd-douleur.org/wp-content/uploads/2019/06/livreblanc2015-interactif.pdf

    (3) Association Française de Lutte Anti-Rhumatismale (Aflar). Livre blanc des états généraux de l’arthrose 2015 – 2016. Bougeons-nous contre : l'Arthrose, une maladie grave ! Des propositions souvent inédites par les patients et les professionnels de santé
    Disponible à l’adresse : https://www.aflar.org/IMG/pdf/aflar_livre_blanc_complet_60p_v.1_bd.pdf

    (4) Haute Autorité de santé (HAS). Questionnaire de recueil du point de vue des patients et usagers pour l’évaluation d’un médicament [en ligne].
    Disponible à l’adresse :  https://has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2018-09/aflar_contribution_patient.pdf

    (5) Société française de rhumatologie (SFR). La rhumatologie pour tous. Comment se manifeste l’arthrose [en ligne].
    Disponible à l’adresse : https://public.larhumatologie.fr/grandes-maladies/arthrose/comment-se-manifeste-larthrose

    (6) Haute Autorité de santé (HAS). Arthrose : le paracétamol en 1re intention lors des crises douloureuses [en ligne].
    Disponible à l’adresse : https://www.has-sante.fr/jcms/pprd_2974704/fr/arthrose-le-paracetamol-en-1re-intention-lors-des-crises-douloureuses

    (7) Vidal. VIDAL Recos : Gonarthrose, coxarthrose [en ligne].
    Disponible à l’adresse : https://www.vidal.fr/maladies/recommandations/gonarthrose-coxarthrose-1586.html#prise-en-charge

    (8) Le Courrier de l’algologie (3), no 3, juillet/août/septembre 2004
    Disponible à l’adresse : https://www.edimark.fr/Front/frontpost/getfiles/10067.pdf

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