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IRM et progression

Édito

Alors que le traitement des formes progressives de SEP constitue le défi des années à venir, le développement de marqueurs IRM permettant de prédire, détecter et suivre la progression est indispensable. Nous en avons ici sélectionné un panel non exhaustif, tant la littérature est riche.

Dr Géraldine Androdias (Lyon)
Dr Caroline Bensa-Koscher (Paris)

1. L’IRM : une fenêtre sur l’anatomopathologie de la SEP progressive

G. Androdias
Filippi M et al.; Attendees of the correlation between pathological and MRI fi ndings in MS workshop. Association between pathological and MRI fi ndings in multiple sclerosis. Lancet Neurol 2019;18(2):198-210.

Ce groupe de travail, constitué de radiologues et d’anatomopathologistes, a passé en revue les corrélats radiologiques de la progression. Nous avons choisi de détailler ci-après les lésions chroniques actives ainsi que l’atrophie thalamique et de la moelle épinière, mais il nous paraissait intéressant d’en citer d’autres. Ainsi, les séquences de transfert de magnétisation (MTR) sont intéressantes pour l’étude de la démyélinisation corticale et également de l’inflammation diffuse, dominée par l’activation microgliale, de la substance blanche d’apparence normale, définie par l’absence de démyélinisation visible sur les séquences T2/FLAIR usuelles. L’inflammation méningée peut être mise en évidence par des séquences FLAIR post-contraste à 3 Tesla chez un tiers des patients atteints de SEP progressive. Nous apprenons également qu’il existe une distribution anormale du fer dans le cerveau des patients SEP avec une accumulation dans les noyaux gris centraux notamment. Celle-ci peut être mesurée par une perte de signal sur les séquences de susceptibilité magnétique dont le degré a pu être corrélé à l’atrophie globale et à la progression du handicap.

2. Lésions chroniques expansives : l’inflammation à petit feu

G. Androdias
Klistorner S et al. Expansion of chronic lesions is linked to disease progression in relapsing-remitting multiple sclerosis patients. Mult Scler 2020;1352458520974357. Online ahead of print.

33 patients atteints de SEP-RR ont été suivis de manière prospective en IRM 3 Tesla (3D T1 préet post-gadolinium, 3D FLAIR et diffusion) à 0, 1 et 5 ans. 569 lésions chroniques ont été identifiées sur l’IRM de référence à 1 an comme non apparues par rapport à l’IRM initiale et non rehaussées après injection de gadolinium. À 5 ans, 46 % de ces lésions avaient augmenté de volume, 42 % étaient stables et 12 % avaient régressé. 139 lésions étaient apparues entre 1 et 5 ans. Au total, 31 des 33 patients avaient au moins 1 lésion chronique en expansion (LCE), alors que 32 patients recevaient un traitement de fond. Ces LCE contribuaient à 67,3 % de l’augmentation de la charge lésionnelle globale versus 32,7 % pour les nouvelles lésions. Leur prévalence était significativement corrélée à l’âge des patients. Leur volume total au degré d’atrophie cérébrale (mesurée grâce au logiciel SIENA) et à l’EDSS, contrairement aux lésions nouvellement apparues. Ainsi, les LCE semblent mieux corrélées aux marqueurs de progression de la maladie. Ce travail souligne que les lésions aiguës et les LCE ont une évolution indépendante, probablement soustendue par des mécanismes physiopathologiques différents : rupture de la barrière hématoencéphalique, infiltration de lymphocytes T et de macrophages issus de la périphérie pour les lésions aiguës versus activation microgliale périphérique pour les LCE. On peut émettre l’hypothèse que l’impact des traitements de fond actuellement disponibles ne soit pas le même non plus.

3. Suivre l'anneau

G. Androdias
Dal-Bianco A et al. Long-term evolution of multiple sclerosis iron rim lesions in 7 T MRI. Brain 2021;awaa436. Online ahead of print.

Une autre manière d’identifier les lésions chroniques actives est de rechercher en IRM à haut champ la présence d’un anneau paramagnétique (iron rim) qui correspond sur le plan anatomopathologique à une accumulation de cellules macrophagiques et microgliales, contenant des particules ferriques, en bordure de lésions démyélinisantes. Pour la première fois, les auteurs ont étudié, de manière prospective, l’évolution de ces iron rim lesions (IRL) avec une durée de suivi moyenne de 2,9 ans et maximale de 7 ans. Ainsi, 33 patients atteints de SEP-RR et de SEP-SP ont été suivis de manière annuelle sur une IRM 7 Tesla avec un protocole d’acquisition comprenant des séquences FLAIR couplées à une séquence de susceptibilité magnétique (FLAIR-SWI) et MP2RAGE (magnetization prepared two rapid acquisition gradient echoes). Ils ont montré, entre autres, que les IRL pouvaient être présentes dès la phase RR (chez 17,8 % des patients RR) et qu’elles étaient associées à une destruction tissulaire plus importante (mesurée par le temps de relaxation T1 issu de la séquence MP2RAGE) que les lésions sans anneau (non-IRL), en particulier chez les patients atteints de forme SP. Elles ont globalement tendance à augmenter de volume dans le temps contrairement aux non-IRL. En revanche, l’anneau lui-même a tendance à diminuer en épaisseur et en intensité alors que l’hypersignal FLAIR a tendance à s’étendre au-delà de la bordure en hyposignal (figure). Cet hypersignal FLAIR semble correspondre sur le plan anatomopathologique à de la dégénérescence axonale, de l’activation microgliale diffuse et de la gliose astrocytaire.

Figure. IRM 7T séquence FLAIR/SWI : on voit bien l’anneau paramagnétique en hyposignal encerclant la lésion (A) . À 2 ans, l’hypersignal FLAIR s’étend au-delà de l’anneau (B) . BL : baseline ; 2yr FU : 2 years follow-up.

4. Pister l’atrophie thalamique

C. Bensa-Koscher
Magon S et al. Volume loss in the deep gray matter and thalamic subnuclei: a longitudinal study on disability progression in multiple sclerosis.J Neurol 2020;267(5):1536-1546.

L’atrophie des noyaux gris profonds a été décrite chez les patients SEP précocement et tout au long de la maladie. Différentes études transversales ont établi un lien entre volume thalamique et EDSS, mais cette étude apporte des données de suivi longitudinal prolongé. L’équipe de Bâle a suivi annuellement 179 patients atteints de SEPRR et 50 autres de SEP-SP avec EDSS et IRM 1,5 Tesla, pendant une moyenne de 5,2 ans. Les volumes des noyaux gris profonds et des différents noyaux thalamiques étaient mesurés en T1 haute résolution. Des corrélations avec la progression de l’EDSS (poussées exclues) étaient recherchées. Sur l’ensemble du groupe, la perte de volume thalamique global – et en particulier celle du noyau antérieur, du pulvinar et du noyau antéroventral – était associée à la progression de l’EDSS. Chaque augmentation de 1 % du taux annuel d’atrophie thalamique était liée à un sur-risque de 27 % de présenter une progression du handicap l’année suivante. Cette étude souligne ainsi le rôle du volume thalamique et l’évolution de son atrophie, en particulier celles des noyaux antérieur et antéroventral, composants clés du réseau des ganglions de la base cortex-cervelet, comme des biomarqueurs intéressants associés à l’existence d’une progression.

5. Focus sur la substance grise cervicale

C. Bensa-Koscher
Bonacchi R et al. Clinical relevance of multiparametric MRI assessment of cervical cord damage in multiple sclerosis. Radiology 2020;296(3):605-615.

En IRM conventionnelle, des lésions médullaires sont retrouvées chez 80 à 90 % des patients SEP, le plus souvent au niveau cervical et dans la substance blanche (SB) postérieure ou latérale. Les séquences d’IRM conventionnelles avaient jusqu’ici une résolution spatiale insuffisante pour quantifier les lésions dans la SB et la substance grise (SG) médullaires, et les travaux s’étaient plutôt focalisés sur l’atrophie en 3D T1, retrouvant une corrélation avec le handicap. Dans cette étude transversale rétrospective, les auteurs ont utilisé une approche multiparamétrique complète en IRM 3 Tesla cervicale afin d’étudier à la fois le volume des lésions dans la SB et la SG (segmentation semi-automatique en séquences T2 et STIR (short T1 Inversion-Recovery) axiales en 2D sur coupes de C1 à C5), les dégâts microstructurels en tenseur de diffusion et l’atrophie (en 3D T1) chez 120 patients SEP (SEP-RR : 58 et SEP progressive : 62) et 30 sujets témoins sains appariés. La section axiale de SG cervicale (SASGC) était mesurée sur le PSIR (phase sensitive inversion-récupération) au niveau C2-C3. Les paramètres d’IRM encéphalique étaient également analysés et intégrés dans l’analyse multivariée.

Chez les patients atteints de forme RR, l’analyse multivariée a identifié la fraction d’anisotropie (FA) des cordons latéraux, le volume encéphalique, le volume des lésions T2 de la SG cervicale comme des facteurs prédictifs indépendants de l’EDSS. Chez les patients atteints d’une forme progressive, les facteurs prédictifs indépendants liés à l’EDSS ont été : la SASGC et le volume de SG encéphalique. Une valeur optimale de SASGC de 11,1 mm2 permettait de distinguer les patients SEP-RR des patients SEP progressive avec une sensibilité de 90 % et une spécificité de 91 %. Cette étude permet de mieux comprendre le substratum physiopathologique liant atteinte médullaire de la SEP et handicap, selon le phénotype clinique. Dans les formes rémittentes, l’EDSS paraît plus lié à l’accumulation des lésions et à une désorganisation microstructurale tandis que, dans les formes progressives, c’est le lien avec l’atrophie qui prédomine. Une étude longitudinale serait intéressante pour confirmer l’hypothèse d’une succession de ces séquences.

Synthèse

L’IRM représente un outil précieux de compréhension des mécanismes physiopathologiques et de suivi in vivo de la progression dans la SEP. Cependant, certaines techniques doivent encore être transposées à l’imagerie de routine avant d’avoir un réel impact sur la prise en charge de nos patients.

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La lettre du neurologue

7000038940 - 07/2022