Découvrez la prise en charge du Pr Julien Mazières dans la gestion des effets indésirables liés à la prescription d’immunothérapie antitumorale chez les patients porteurs d’un cancer bronchique.

    Bonjour à tous, 

    Je m’appelle Pr Julien Mazières, je suis pneumologue et cancérologue au CHU de Toulouse.

    Aujourd‘hui nous allons discuter ensemble de la prise en charge de la gestion des effets indésirables liés à la prescription d’immunothérapie antitumorale chez les patients porteurs d’un cancer bronchique.

    Comme cela a été dit, il s’agit d’une prescription très fréquente dans notre activité, il convient donc de maitriser au maximum les risques et de savoir les détecter de de les traiter. Pour cela, je vous propose de raisonner en plusieurs étapes : 

    • La première étape est de bien entendu prévenir cette toxicité. Tout d’abord il faut les connaitre, il faut informer les patients et il faut bien sélectionner les patients afin chez certains patients à risque d’anticiper ce type de toxicité. On pensera aux patients en particulier qui ont des maladies auto-immunes ou des facteurs de risque de développer une toxicité immuno-induite. Concernant leur information, de manière à ce qu’ils puissent à la fois se gérer à domicile mais également nous solliciter quand c’est nécessaire, l’éducation thérapeutique peut être un très bon moyen : cela consiste à réunir les patients régulièrement pour leur expliquer les effets secondaires et l’attitude à avoir face à chaque toxicité.
    • La deuxième étape est celle d’anticiper. Anticiper cela veut dire prévoir un bilan, en particulier biologique, un bilan clinique initial, avec une réception des résultats de manière régulière avant chaque immunothérapie de manière à pouvoir anticiper par exemple des perturbations du bilan thyroïdien, de l’hémogramme ou certains signes cliniques en particulier les signes pulmonaires ou digestifs.
    • La troisième étape est celle de détecter. En effet, il convient d’être vigilant sur cette toxicité qui parfois évolue de manière assez bruyante mais parfois évolue à bas bruit. Pour cela, cela implique de suivre les patients régulièrement, sur le plan clinique, sur le plan biologique, sur le plan clinique en particulier de bien regarder la peau : il y a une toxicité cutanée qui est assez fréquente. D’interroger les signes cliniques classiques tels que : la toux, la dyspnée, les troubles neurologiques, les douleurs rhumatismales, tous ces signes doivent être analysés tout au long de la prise en charge du patient. On peut s’aider d’examens complémentaires, en particulier d’imagerie, de bilans biologiques spécifiques. Et lorsqu’on est face à des lésions qui sont suspectes et dont on ne connait pas forcément le lien avec l’immunothérapie, faire des biopsies, je pense aux LBA pour le poumon, je pense aux biopsies rénales, je pense aux biopsies cutanées. Une fois qu’on a identifié cette toxicité, il faut bien entendu la traiter. Il y a des cas ou c’est typique on va dire par exemple la toxicité cutanée, on va aller à des traitements à base de corticoïdes. Il y a des cas un peu plus complexes, tels que les toxicité rénales, rhumatismales, pulmonaires, pour laquelle il va falloir avoir une décision collégiale. Pour cela, la plupart des centres ont mis en place des réunions de concertation pluridisciplinaire dédiées à la toxicité immunologique. Cela consiste à revoir les dossiers avec différents spécialistes : des neurologues, rhumatologues, des internistes, des pneumologues, etc… pour pouvoir appréhender la complexité de ce type de toxicité pour proposer des traitements.

    Maintenant quels vont être les types de traitement ? Là il y a des recommandations qui sont à la fois globale pour toutes les toxicités, mais également des recommandations que je dirais organe par organe. Le traitement de référence reste les immunosuppresseurs et en particulier les corticoïdes qui seront introduits à des doses qui correspondent au niveau de toxicité. Donc il faut grader la toxicité : toxicité grade 1, 2, 3 ou 4. Et en fonction de ce grade, impliquer des traitements par corticoïdes par voie générale.

    Dans la plupart des cas, ce traitement suffit. Parfois on est amené à introduire des traitements plus forts, des traitements immunosuppresseurs qui peuvent être des anti-interleukines, anti-TNF alpha. Là on est sur des choses beaucoup plus spécialisées. Et en général, ce type de prescription se fait dans des services qui ont l’habitude de gérer ce type de toxicité et suite à des discussions qui ont lieu lors de ces réunions de concertation pluridisciplinaire dédiée à la toxicité immunologique. On peut rester un petit peu sur la toxicité que l’on connait bien qui est la toxicité pulmonaire qui implique là de faire un scanner du thorax, de faire une enquête afin de différencier la toxicité d’une infection d’une progression tumorale en s’aidant la plupart du temps d’une endoscopie et d’un lavage bronchoalvéolaire et ensuite en fonction des résultats proposer une corticothérapie et si cela s’avère insuffisant, éventuellement des immunosuppresseurs. 

    • L’étape suivante est celle de suivre. En effet, la pharmacologie des traitements des antitumoraux à type immunothérapie est souvent assez complexe et il peut y avoir des rebonds à l’arrêt des corticoïdes et des immunosuppresseurs. Cela implique de suivre sur le plan clinique, sur le plan biologique, mais également en imagerie. Suivre d’assez près ces traitements pour vérifier leur efficacité et s’assurer qu’il n’y a pas de récidive. Pour cela il y a des programmations qui sont à faire pour chaque patient. On peut être ensuite amené à discuter de quelque chose qui est de plus en plus fréquent étant donné l’efficacité des traitements qui est de reprendre l’immunothérapie. Là aussi selon le type de toxicité, le grade, le type de patient et ce qu’on attend du traitement, on va discuter de manière collégiale de la reprise, ce qu’on appelle souvent rechallenge à l’immunothérapie versus ne pas reprendre. Là aussi c’est une discussion en général collective.

    Donc en résumé, prévenir, anticiper, détecter, traiter de manière adéquate et suivre ce type de toxicité. Avec cette prise en charge, qui est une prise en charge d’équipe, dans la majorité des cas, on arrive à limiter l’incidence des toxicités, à limiter les formes graves, à les traiter correctement et à pouvoir continuer le traitement le plus longtemps possible lorsque c’est adapté au patient et même parfois dans certains cas à reprendre après une toxicité l’immunothérapie. 

    Je vous remercie pour votre attention.

7000043268 - 07/2023