Réservé aux professionnels de santé en France

Mais sommes-nous tous égaux en matière de santé ? Les comportements individuels sont-ils le seul facteur permettant d’expliquer les inégalités en santé ? Pourquoi sommes-nous dans une situation considérée comme paradoxale concernant les inégalités en santé en France ?

Autant de questions auxquelles nous allons essayer de répondre...

Inégalités en santé, de quoi parle-t-on ?

Faisons avant tout le point sur la signification des termes « inégalités en santé ».

Selon le rapport de la Commission sur les déterminants sociaux en santé (OMS, 2008), il s’agit de « différences systématiques d’état de santé injustes, qui pourraient être évitées par des mesures judicieuses ».1

Cette définition rassemble les 3 points-clés des inégalités en santé :

  1. Elles sont systématiques, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas distribuées au hasard mais selon un schéma constant dans la population. Elles touchent en effet les groupes les plus défavorisés mais aussi l’ensemble de la population selon un gradient continu, en fonction des positions sociales (des ouvriers aux cadres en passant par les employés et les professions intermédiaires) : chaque classe sociale présente donc un niveau de mortalité et de morbidité plus élevé que la classe supérieure.1,2

  2. Elles sont injustes, ce qui signifie qu’elles résultent de circonstances indépendantes de la responsabilité individuelle.1

  3. Et enfin elles peuvent être évitables, car elles ne relèvent pas de facteurs biologiques mais de déterminants socialement construits.2

Les inégalités sociales en santé peuvent également être définies comme « toute relation entre la santé et l’appartenance à une catégorie sociale ». On peut distinguer 3 types d’inégalités en santé : les inégalités entre les hommes et les femmes, entre les catégories socioprofessionnelles et celles entre les territoires.2

Enfin, ce phénomène concerne la quasi-totalité des pathologies, des facteurs de risque et des états de santé, déficiences, handicaps ou encore la santé perçue.1

Déterminants de santé : multiplicité & complexité

L’état de santé d’une personne peut-il être réduit à son comportement ? La réponse est non.

Les études épidémiologiques ont permis d’identifier des facteurs de risque, l’alcool et le tabac par exemple, responsables de pathologies étant les premières causes des décès en France (cancer, pathologies cardiovasculaires…). Serait-ce là une explication et une solution aux inégalités en santé ? Auquel cas, en incitant les populations à ne pas adopter de comportements à risque, on observerait une diminution des inégalités en matière de santé.3

Pourtant des études ont montré que les comportements individuels étaient loin d’être le seul facteur impliqué dans les inégalités en santé et qu’ils ne représentaient qu’1/3 des écarts constatés.2,3

La recherche a mis en évidence de nombreux autres déterminants jouant un rôle dans la construction des inégalités en santé parmi lesquels on trouve :1-4

  • Des déterminants structurels, liés au contexte politique et économique d’un pays ; 

  • Des déterminants individuels (âge, sexe, facteurs héréditaires) ;

  • Des déterminants socio-économiques (emploi, logement, éducation, conditions de vie, revenus…) ;

  • Des déterminants liés à l’accès au système de santé (prévention, parcours de soins…).

Les inégalités sociales en santé trouvent donc leur origine dans ces déterminants multiples qui s’accumulent depuis la petite enfance et tout au long de la vie. Ils interagissent de manière complexe et c’est leur combinaison qui influence l’état de santé.2

Le paradoxe français

Au cours des dernières décennies, la France s’est dotée d’un système de santé performant et d’un système d’assurance maladie très complet permettant un accès universel aux soins.1,2 D’ailleurs, en 2000, la France a été classée au 1er rang mondial pour son système de soins.5

Ce système a ainsi permis l’amélioration de l’espérance de vie et de l’état de santé moyen. Cependant des inégalités sociales en santé subsistent, et bien qu’elles soient présentes dans toute l’Europe, elles s’avèrent être particulièrement importantes en France. Elles ont même eu tendance à s’accroître au cours des 20 dernières années, plaçant notre pays dans une situation paradoxale.4,5

Cette situation particulière de la France en Europe tient principalement à l’ampleur des inégalités observées pour certaines causes de décès, en particulier les cancers autres que cancers du poumon et la cirrhose du foie.1

Le système de soins français, aussi performant soit-il, ne profite donc pas de manière équitable à l’ensemble de la population.2

Les inégalités se traduisent notamment au niveau de l’espérance de vie et de la mortalité. La mortalité est multipliée par 2,5 chez un homme sans diplôme par rapport à un homme ayant un niveau d’étude supérieur.1
Quant à l’espérance de vie, selon l’Insee sur la période 2012-2016, les hommes les plus aisés vivent en moyenne 13 ans de plus que les plus modestes. Chez les femmes, cet écart est plus faible mais reste important (8 ans d’écart entre les plus aisées et les plus modestes).6

À ces inégalités s’ajoutent aussi des inégalités dans la qualité de vie, conséquences de diverses incapacités.1

D’autre part, en France, on observe également des disparités territoriales et régionales, avec un gradient Nord-Sud en défaveur du Nord. Par exemple, l’espérance de vie d’un homme vivant en Ile-de-France est la plus élevée, soit 77 ans, alors qu’elle n’est que de 73 ans dans le Nord–Pas-de-Calais.3

Pour toutes ces raisons, la mise en œuvre d’un plan de réduction de ces inégalités reste plus que jamais d’actualité en France.1

Réduire les inégalités en santé : un défi de taille !

Pour la CDSS, réduire les inégalités en santé est un impératif éthique et une question de justice sociale.1

Dans un rapport publié en 2009, le Haut Conseil pour la Santé Publique soulignait que les inégalités sociales de santé ne faisaient l’objet d’aucun plan de santé publique explicite et que la France n’avait pas pris part aux travaux de la CDSS… Aujourd’hui encore, selon la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH), cette problématique est insuffisamment prise en compte dans les politiques publiques de santé.1,5

La prise en considération des déterminants socio-économiques représente une étape essentielle dans cette lutte, mais ils sont trop peu considérés dans nos politiques publiques. Cela a été rendu particulièrement visible pendant la pandémie de Covid-19, au cours de laquelle une mortalité plus élevée a été constatée en Seine-Saint-Denis par exemple, département où la majorité de la population cumule des inégalités sociales de santé.5

Parmi les actions récentes, le gouvernement français a mis en place un plan pour la santé de tous « Ma santé 2022 », et bien que celui-ci souligne la nécessité de réduire les inégalités de santé, il se limite aux inégalités d’accès aux soins, sans réelle prise en compte des déterminants sociaux.5

Dans un avis paru en février 2022, la CNCDH propose une série de recommandations qui visent à prendre en compte de façon prioritaire les inégalités sociales de santé dans l’organisation du système de soin et des politiques sociales, économiques et environnementales. Elles s’articulent autour de 3 grands axes : 5

  • Adopter une approche globale, transversale et pluridisciplinaire de la santé

  • Renforcer la démocratie sanitaire

  • Mieux prendre en compte les déterminants sociaux de santé

La réduction des inégalités de santé passe également par l’EIS ou « Évaluation de l’Impact sur la Santé » qui consiste en un ensemble de moyens, d'outils et de procédures, permettant d’évaluer les effets positifs ou négatifs d'un projet, d'un programme ou d'une politique sur la santé, ainsi que la distribution de ces effets au sein d'une population. Cette méthode tend à se développer en France.7

Au-delà des recommandations et des outils existants, la France pourrait également s’appuyer sur l’expérience d’autres pays puisqu’ils sont plusieurs à avoir mis en œuvre de nombreuses pistes d'interventions et de politiques publiques. C’est le cas notamment de la Norvège, des Pays-Bas ou encore du Royaume-Uni. En 2009, le HCSP citait la Norvège comme étant le seul pays à s’être clairement fixé l’objectif de réduire le gradient social des inégalités en santé. Parmi les priorités de ce plan, on trouvait par exemple la réduction des impacts négatifs de mauvaises conditions de vie durant l'enfance par de bonnes opportunités dans l'éducation et le travail en passant par des investissements continus dans les maternelles.1

Comme nous l’avons vu, la lutte contre les inégalités de santé reste donc un défi de taille en France, et il est plus que jamais temps de faire de cette lutte un fondement de notre système de santé...

Acronymes :
CNCDH : Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme
CDSS : Commission des Déterminants Sociaux de la Santé
HCSP : Haut Conseil de la Santé Publique
OMS : Organisation Mondiale de la Santé

Références
  1. Haut Conseil de la Santé Publique. Les inégalités sociales de santé : sortir de la fatalité. Décembre 2009.
  2. Instance Régionale d’Éducation et de Promotion de la Santé. Dossier technique. Inégalités sociales de santé et promotion de la santé. 2ème édition septembre 2016.
  3. Moquet Marie-José. Inégalités sociales de santé : des déterminants multiples. La santé de l’homme. N° 397 - septembre-octobre 2008.
  4. Les inégalités sociales de santé. adsp n° 73 décembre 2010.
  5. JORF n°0055 du 6 mars 2022. Avis n° A-2022-1 sur les inégalités sociales de santé. Version initiale.
  6. Vie Publique. Que sont les inégalités sociales en santé. Dernière modification 25 novembre 2021. Disponible sur : https://www.vie-publique.fr/fiches/37861-inegalites-sociales-de-sante#. Consulté le 20/09/2022.
  7. Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DRESS). Les inégalités sociales de santé. Actes du séminaire de recherche de la DRESS 2015-2016.

MAT-FR-2203823 - 09/2022